Le temps des écrans et les jeunes enfants (Société canadienne de pédiatrie)

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La société canadienne de pédiatrie a publié en 2016 un long document de synthèse intitulé « Le temps des écrans et les jeunes enfants : promouvoir la santé et le développement dans un monde numérique ». C’est un document de référence pour CoSE. Nous vous proposons d’en étudier différents aspects en se focalisant sur un point particulier ; Aujourd’hui les effets sur le développement.

Extraits :

LES EFFETS DES MÉDIAS SUR ÉCRAN SUR LE DÉVELOPPEMENT

On ne sait pas si l’exposition précoce aux médias sur écran modifie le cerveau en développement. Par ailleurs, les recherches publiées sur le mode d’apprentissage des enfants de moins de cinq ans à partir des écrans et sur la somme des connaissances qu’ils en retirent demeurent limitées. Les études révèlent toutefois que même si les bébés n’absorbent pas le contenu des émissions de télévision, celles-ci peuvent attirer et retenir leur attention. Entre l’âge de six et 14 mois, ils peuvent reproduire des actions incarnées à l’écran et, à l’âge de 18 mois, ils peuvent se souvenir de brèves séquences.

Peu avant l’âge de trois ans, les enfants commencent à comprendre les contenus. Des données concrètes démontrent que les nourrissons et les tout-petits éprouvent de la difficulté à transférer de nouveaux apprentissages d’une représentation bidimensionnelle à un milieu tridimensionnel (c’est-à-dire de l’écran à la réalité) et qu’à cet âge, la télévision est peu susceptible de nourrir leur apprentissage. En revanche, ils apprennent intensivement lors des échanges directs avec leurs parents et avec les personnes qui s’occupent d’eux. L’apprentissage précoce est plus fluide, plus enrichissant et plus efficace sur le plan du développement lorsqu’il est vécu de manière interactive, en temps réel et dans l’espace, avec des personnes en chair et en os.

Les bienfaits potentiels pour le développement

À; compter de l’âge d’environ deux ans, des émissions de télévision de qualité bien conçues, adaptées à l’âge et comportant des objectifs éducatifs précis peuvent représenter un moyen supplémentaire de favoriser le langage et l’alphabétisation des enfants. Des émissions de qualité peuvent également encourager des aspects du développement cognitif, y compris des attitudes positives envers les races et le jeu imaginaire. Selon des données préliminaires, les médias interactifs, et particulièrement les applications qui exigent les réactions d’un adulte (des réactions instantanées à ce que l’enfant dit ou fait), peuvent aider les enfants à assimiler l’information enseignée. Ces réactions du parent, lorsqu’elles s’associent à un contenu adapté à l’âge, qu’elles sont instantanées et qu’elles sont liées à l’intensité de l’action, peuvent permettre à un enfant de 24 mois d’apprendre de nouveaux mots. Selon des données préliminaires, les applications interactives d’apprentissage de la lecture et les livres numériques peuvent favoriser l’alphabétisation précoce en incitant les tout-petits à s’exercer à reconnaître les sons, les phonèmes et les mots. Cependant, même si les écrans peuvent contribuer à l’apprentissage linguistique de l’enfant d’âge préscolaire lorsqu’un parent ou une personne qui s’occupe de lui regarde le contenu avec lui et lui en parle, celui-ci apprend mieux (sur le plan de l’expression et du vocabulaire) lors d’échanges réels et dynamiques avec des adultes qui se préoccupent de lui.

Les risques pour le développement

Les recherches sur l’exposition à la télévision démontrent des associations, même s’il ne s’agit pas d’une relation directe de cause à effet, entre l’exposition soutenue et précoce à des écrans (plus de deux heures par jour chez les nourrissons de moins de 12 mois selon une étude) et d’importants retards de langage. Les preuves d’une association entre le temps d’écran et les troubles de l’attention sont mitigées, les effets négatifs étant clairement apparents seulement lors d’une exposition intense (plus de sept heures par jour). Il est toutefois démontré qu’une forte exposition à la télévision en arrière-plan nuit à l’utilisation et à l’acquisition du langage, à l’attention, au développement cognitif et à la fonction exécutive chez les enfants de moins de cinq ans. Elle réduit également la quantité et la qualité des échanges entre les parents et l’enfant et distrait l’enfant de ses jeux. Grâce aux livres numériques, les enfants s’investissent davantage dans la lecture, mais les parents semblent alors réduire les stratégies de lecture. De plus, les effets sonores et les animations des livres numériques peuvent compromettre la compréhension du texte et de la séquence des événements chez les enfants d’âge préscolaire, ce qui n’est pas le cas avec les livres papier.

Certaines études associent l’écoute prolongée de la télévision à des capacités cognitives moins élevées, particulièrement pour ce qui est de la mémoire à court terme, des aptitudes précoces en lecture et en mathématiques et du développement du langage. Un contenu violent ou un déroulement rapide de l’action peut nuire à la fonction exécutive, et ces effets peuvent être cumulatifs. L’incapacité des jeunes enfants (particulièrement ceux de moins de deux ans) à distinguer la réalité quotidienne de ce qui se produit à l’écran, conjuguée à leurs efforts pour comprendre le sens de ces expériences contradictoi res, peut entraver et contrecarrer la fonction exécutive.

Qu’est-ce qui apporte un réel changement? Limiter le temps d’écran et en atténuer les effets négatifs

Puisque l’exposition aux médias ne s’associe à aucun bienfait démontré pour les nourrissons et les tout-petits, mais qu’elle est liée à des risques connus sur le plan du développement, il faut conseiller aux parents de limiter le temps d’écran des jeunes enfants. Ainsi, ils dégageront du temps pour les échanges directs, qui constituent le meilleur mode d’apprentissage des enfants.

Lorsque les enfants regardent un contenu éducatif adapté à leur âge avec un adulte intéressé, le temps d’écran peut devenir une expérience d’apprentissage positive. Pour atténuer les effets négatifs du temps d’écran, les adultes :

  • en regardent le contenu avec les enfants. Les adultes peuvent établir des liens entre le contenu et la réalité et renforcer les aptitudes linguistiques et cognitives, comme l’attention, la mémoire et la réflexion. En passant du temps devant un écran avec d’autres, les enfants évitent également les écueils d’une écoute solitaire.
  • choisissent activement les activités des enfants devant l’écran; ils priorisent les applications et les contenus éducatifs, évitent les émissions commerciales ou grand public et s’inspirent d’une classification des médias (p. ex., le Système canadien de classification des vidéos) pour orienter leurs choix.
  • combinent l’utilisation des écrans tactiles avec les jeux créatifs ou actifs.

Au Canada, il existe encore un « fossé numérique » entre les ménages qui détiennent un accès Internet et ceux qui n’en ont pas, mais les applications d’apprentissage sur les appareils mobiles peuvent contribuer à le combler. En 2016, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes s’est engagé à intégrer l’accès Internet aux services de base pour tous les Canadiens [11]. Cependant, alors même que le contenu éducatif sur écran devient plus accessible à toutes les familles, un nouveau fossé semble se creuser. Les enfants dont les parents sont en mesure de surveiller et de sélectionner les contenus sur écran peuvent en tirer des bienfaits qui sont moins accessibles aux familles disposant de moins de ressour ces financières ou dont les parents ne peuvent pas s’investir à ce point. Les dispensateurs de soins devraient être sensibilisés à ce fossé, qui peut se refléter dans d’autres échanges entre le parent et son enfant.