Autisme et écran : des cerveaux particuliers, des risques particuliers
Il s’agit içi d’un autre texte de Victoria Dunckley (traduction Sabine Duflo) évoqué dans le précédent post (Cf ici) ; Les effets des écrans sont d’autant plus importants qu’il s’agit d’enfants vulnérables : pour CoSE il s’agit notamment des enfants tout petits, des adolescents, des enfants avec troubles du caractère ou de l’attention et enfin comme içi des enfants souffrant de troubles du spectre de l’autisme. Pour les anglophones une mise au point d’une très grande clarté sur les rapports très particuliers entre écran et autisme a été faite par McLeod Frampton Gwynett en 2018 (pdf de l’article en cliquant içi).
Autism and Screen Time: Special Brains, Special Risks
Les enfants présentant un trouble du spectre autistique sont particulièrement vulnérables à divers effets du temps d’écrans sur le cerveau. Ces effets électroniques secondaires incluent une surexcitation et une dérégulation que j’ai nommé ESS (electronic screen syndrome) ainsi qu’une addiction à cette technologie, aux jeux video, à internet, aux smartphones, aux média sociaux etc.
Pourquoi ? parce que le cerveau d’ un autiste possède des caractéristiques propres que le temps passé devant les écrans exacerbe. En fait, ces effets se produisent chez nous tous, mais les enfants atteints d’autisme vont être plus enclins à rencontrer des effets négatifs et être moins capable de s’en guérir. Leurs cerveaux sont à la fois plus sensibles et moins adaptables.
Pour comprendre ces vulnérabilités, il est bon de savoir que le temps-écran, en particulier les programmes interactifs agissent comme un stimulant, tout comme la caféine, les amphétamines ou la cocaine. Il faut aussi savoir que ces enfants souffrant d’ autisme sont souvent sensibles aux stimulants de toutes sortes qu’ils soient pharmaceutiques ou électroniques. Par exemple les enfants souffrant d’ autisme et de problèmes d’attention ne peuvent souvent pas tolérer les stimulants prescrits, remèdes classiques pour les TDAH. Les stimulants ont tendance à rendre les enfants avec autisme irritables, pleurnichards, se focalisant sur un sujet de façon obsessionnelle et compulsive, et incapables de dormir. Les stimulants peuvent aussi exacerber les tics, les conduites auto-agressives, l’agressivité et les problèmes sensoriels.
Par ailleurs, pour les familles qui ont affaire avec un enfant autiste, il existe des facteurs additionnels, sociaux et émotionnels, qui peuvent contribuer à un usage excessif des objets numériques. En premier lieu les familles ont souvent affaire à des comportements hautement dérangeants, qui sont atténués, au moins à court terme, en donnant à l’enfant un écran. Deuxièmement les parents s’entendent dire que « jouer à un jeu video est normal. C’est quelque chose que votre enfant peut faire avec les autres enfants. » Troisièmement, les parents sont encouragés à introduire le numérique plus tôt et souvent, spécialement « s’il est bon avec les ordinateurs » Quatrièmement, les thérapeutes du comportement utilisent souvent les jeux videos ou d’autres appli comme renforçateurs, à la maison ou à l’école. « C’est la seule chose qui marche avec elle ! » Et finalement les parents et les cliniciens sont encouragés de façon routinière, à utiliser des écrans dont on n’a pas prouvé l’efficacité, mais qui prétendent réduire les comportements autistiques ou améliorer la sociabilité, la communication, ou les compétences en lecture.
Inutile de dire que l’éducation dans cette arène fait cruellement défaut.
11 raisons pour lesquelles les enfants souffrant d’autisme sont extrêmement vulnérables aux effets du temps d’écran et à l’addiction aux objets numériques.
1.Les enfants souffrant d’autisme ont tendance à avoir un faible niveau de mélatonine et des perturbations du sommeil. Et le temps passé devant les écrans supprime la mélatonine et dérègle le sommeil. A part réguler le sommeil et l’horloge biologique, la mélatonine aide aussi à moduler les hormones et la chimie du cerveau ; elle équilibre le système immunitaire et préserve des inflammations.
2. Les enfants souffrant d’autisme sont enclins à avoir des problèmes de régulation du système de la vigilance, se manifestant dans une réponse exagérée au stress, une dérégulation du système
émotionnel, ou une tendance à être sur ou sous stimulé. Le temps d’écrans augmente le stress de façon aigue et chronique, cause une dérégulation émotionnelle, induit un hyper éveil, engendre une dérégulation émotionnelle et produit une sur stimulation.
3. L’autisme est associé avec une inflammation du système nerveux et le temps passé devant les écrans peut augmenter l’inflammation par une variété de mécanismes incluant une augmentation des hormones de stress, une suppression de la mélatonine, et un sommeil qui n’est pas réparateur. La lumière des écrans la nuit supprime aussi le sommeil paradoxal, une phase durant laquelle « le cerveau nettoie la maison ».
4. Le cerveau autiste tend à être sous connecté – moins d’intégration et plus de mise en compartiments – et le temps d’écran gêne l’intégration de l’ensemble du cerveau et un développement sain du lobe frontal. En fait, dans les addictions au numérique, les résultats des scanners du cerveau révèlent une réduction des connections (via une réduction de la matière blanche) et une atrophie de la matière grise dans le lobe frontal.
5.Les enfants avec autisme ont des déficits de la sociabilité et de la communication, tels qu’un déficit de contacts oculaires, une difficulté à lire les expressions faciales et le langage du corps, une moindre empathie, et un handicap de la communication. Le temps passé devant les écrans gêne le développement de ces mêmes compétences – même chez les enfants et les adolescents qui n’ont pas d’autisme. Le temps passé devant les écrans entre directement en compétition avec le circuit de la récompense du cerveau émotionnel, qui inclut le contact oculaire -un facteur essentiel du développement du cerveau. Dernièrement, le temps d’écran et même celui passé dans un environnement où une TV est allumée, ont montré leurs liens avec des retards dans l’acquisition du langage.
6. Les enfants avec autisme ont tendance à être anxieux, ce qui inclut des traits obsessionnels-compulsifs, une anxiété sociale. Et le temps passé devant les écrans est associé avec un risque accru de TOC (troubles obsessionnels compulsifs) et une anxiété sociale en même temps que cela contribue à un haut niveau de vigilance et une pauvreté des capacités d’adaptation. En plus, l’anxiété dans l’autisme a été liée à des anormalités de la synthèse de la sérotonine et de l’activité de l’amygdale, et ces deux éléments, la régulation de la sérotonine et les changements de l’amygdale ont été impliqués dans le temps d’écrans.
7. Les enfants avec autisme ont fréquemment des difficultés d’intégration sensorielles et motrices tels que des tics. Le temps passé devant les écrans a été relié à des retards sensorimoteurs, il aggrave le processus sensoriel et peut précipiter ou faire empirer les tics vocaux et moteurs résultant d’une augmentation de la dopamine.
8. Les individus avec autisme sont de façon typique, hautement attirés par les écrans et n’ont pas seulement un risque accru de développer une addiction aux jeux videos ou aux autres écrans, mais ils sont davantage portés à présenter des symptômes à la suite de temps d’exposition très courts. Les adolescents et les jeunes hommes avec un trouble du spectre autistique présentent aussi un risque accru pour l’addiction au porno, résultant d’une combinaison de déficits sociaux, de l’isolement, et d’un temps excessif devant l’ordinateur. Ils peuvent développer des illusions romantiques ou bien obsessionnelles, alimentées par l’ habituation à une gratification immédiate et un manque de confrontation avec le monde réel. En même temps, la dopamine relâchée par les écrans interactifs renforce ces boucles obsessionnelles.
9.Les enfants avec autisme ont tendance à avoir un système attentionnel fragile, un fonctionnement exécutif pauvre, et une réduction de la « bande passante » quand ils doivent traiter d’une
information. Le temps d’écran fracture l’attention, réduit les réserves mentales et abîme le fonctionnement exécutif.
10. Les enfants avec autisme sont peut être plus sensibles aux champs électromagnétiques émis par les communication sans fil (comme la WI Fi et les fréquences émises par les téléphones cellulaires) aussi bien que les tablettes elles-mêmes. Au niveau cellulaire, moléculaire et atomique, la pathologie repérée dans l’autisme reflète les effets prouvés par la recherche sur l’impact biologique des champs électro magnétiques. Une sensibilité accrue aux champs électromagnétiques peut être due (ou peut aggraver) les anormalités et les problèmes avec les défenses immunitaires dans l’intestin et/ou le cerveau.
11. Les enfants avec autisme ont un risque accru pour les problème psychiatriques de tous ordres, incluant des troubles de l’humeur et de l’anxiété, des TDAH, des tics et des psychoses. De la même façon, un temps élevé passé devant les écrans est associé avec un haut niveau de perturbations psychiatriques, incluant des troubles de l’humeur et de l’anxiété, TDAH, des tics et des psychoses. En ce qui concerne la psychose, les jeunes avec un trouble du spectre autistique qui sont en contact journalier avec un écran, peuvent avoir des expériences hallucinatoires, de la paranoia, des dissociations et perdre le sens de la réalité . Le plus souvent cependant, ces effrayant symptômes se résolvent ou diminuent fortement une fois que les écrans sont supprimés et ne nécessitent pas un médicament anti psychotique.
En plus de ce qui précède, le temps d’écran remplace les choses mêmes dont nous savons qu’elles jouent un rôle critique dans le développement du cerveau : le lien, le mouvement, le contact oculaire, la communication verbale en face en face, les caresses, l’exercice physique, le jeu libre et l’exposition à la nature et à l’extérieur. Réduire l’exposition à ces facteurs influence de façon négative le processus d’assimilation du cerveau., le QI et la résistance chez tous les enfants.
Dans ma propre expérience de travail avec des enfants et des adultes souffrant d’autisme, les écrans peuvent précipiter la régression (perte des compétences langagières ou sociales ou adaptatives), exacerber des comportements répétitifs, réduire encore plus les intérêts restreints, et déclencher des comportements agressifs ou auto agressifs. J’ai même vu des régressions se produire quand un écran interactif est introduit, souvent quand les parents sont encouragés à » jouer » avec ce dispositif afin que l’enfant « puisse l’utiliser ». La prolifération des Ipad et des smartphones a produit plus de problèmes et d’effets négatifs dans mon expérience de thérapeute qu’aucun autre facteur simple.
Autant ces expériences sont stressantes et dévastatrices, autant la suppression méthodique des écrans est excitante et source d’inspiration. Libérer des écrans peut améliorer le contact oculaire et le langage, accroitre la flexibilité dans la pensée et le comportement, élargir les sources d’intérêts, améliorer la régulation émotionnelle et la capacité à rester concentré sur une tâche, induit un sommeil davantage réparateur et réduire l’anxiété et les crises de nerfs.
Parce que l’idée de supprimer les écrans peut sembler accablante, je recommande classiquement aux parents de faire pendant 4 semaines un « jeûne électronique » en tant qu’expérience afin qu’ils puissent avoir uni idée de ce que cette intervention peut faire. Les familles repèrent deux ou trois domaines problématiques, pour fournir des preuves objectives et elles sont encouragées à noter les comportements ( tels que les crises de colères liées au temps passé sur les écrans et à la manière dont joue l’enfant). Même quelques courtes semaines peuvent produire des améliorations qui peuvent être suffisamment significatives pour que la famille décide de continuer à éliminer les écrans, le cas échéant les bénéfices continueront de s’accumuler.
L’enfant sera-t-il toujours autiste ? Oui, mais il est presque garanti qu’il ou elle sentira, se concentrera, dormira, se comportera et fonctionnera mieux. Et de manière intrigante, des preuves anecdotiques suggèrent que cette simple intervention pourrait être assez puissante pour prévenir, stopper ou dans certains cas même inverser le processus autistique, si elle est commencée assez tôt. Des études pilotes servant à tester cette intervention sont à venir. (Les cas d’études illustrant ces phénomènes, seront les sujets d’une future publication.)
Quand les parents comprennent réellement ce qui arrive dans le cerveau de l’enfant lorsqu’il inter agit avec des écrans – et comprennent comment ces choses impactent spécifiquement l’autisme- ils sont bien plus capables de restreindre les écrans de manière appropriée et sont moins soumis aux pressions sociales. Ils « voient »la manière dont le temps passé sur les écrans se traduit par certains symptômes chez leurs enfants ; ils donnent la priorité à un cerveau en bonne santé en général par rapport au fait de savoir se servir des nouvelles technologies, et comprennent que chaque minute passée sur un écran est une minute gagnée sur autre chose.