Syndrome d’exposition aux écrans : un syndrome non reconnu

Victoria Dunckley est une psychiatre américaine qui a décrit des 2012 un ensemble de symptômes secondaires à une exposition prolongée aux écrans qu’elle a nommé « syndrome de l’écran electronique » (Electronic Screen Syndrome) ; dans ce post traduit publié sur le site Psychology Today traduit  par Sabine Duflo, elle décrit déja les symptômes de surexposition et leur régression à l’arret des écrans. Elle conseille d’ailleurs une mise au régime de quatre semaines (une diète des médias) dans un protocole qu’elle décrit dans un livre « Reset your child’s brain ». Dans un autre post, elle décrit par ailleurs les répercussions particulières des écrans chez les enfants souffrant de troubles du spectre de l’autisme : « Autism and screen time : special brains, special risks » (en anglais en cliquant ici)

 

« Il est surexcité tout le temps »
« Il ne parvient pas à se concentrer et il est toujours en opposition. Le faire arriver à
l’heure à l’école ou se coucher à l’heure est un cauchemar quotidien. »
« Elle est épuisée et elle a des crises d’épuisement même quand elle a dormi
suffisamment. »
« Il s’enflamme pour la moindre petite chose. Les autres enfants ne veulent plus
jouer avec lui. »
« Ses notes ont dégringolé cette année et nous ne savons pas pourquoi. »
Les symptômes et les plaintes ci-dessus sont tellement communs que presque tous
les parents peuvent se sentir concernés par un ou plusieurs d’entre eux. Les
symptômes psychiatriques émanant de troubles variés peuvent se chevaucher, et
ceci est particulièrement vrai en ce qui concerne les enfants. Ce chevauchement
naturel des symptômes associé avec un environnement numérique hyper stimulant
a conduit à une épidémie de troubles mentaux mal diagnostiqués, qui conduit à une
médication psychiatrique inappropriée et à une mauvaise utilisation de ressources
précieuses.
Les deux désordres les plus diagnostiqués dans la population pédiatrique que j’ai pu
rencontrer ces 10 dernières années sont de loin les troubles bi-polaires de l’enfance
et le trouble lié à l’hyperactivité engendrant un déficit de l’attention (TDAH), les deux
pouvant conduire à prendre un traitement médicamenteux avec des effets
secondaires significatifs. La population de jeunes diagnostiqués avec un trouble bi
polaire a augmenté de 40 fois entre 1994 et 2003. Entre 1980 et 2007, le diagnostic
de TDAH a augmenté de près de 800%. Et il y a eu des augmentations brutales de
psychotropes prescrits aux enfants, sur ces deux dernières décennies, incluant des
antipsychotiques et des amphétamines (Ritaline)
Je n’accuse pas totalement les laboratoires pharmaceutiques pour ces tendances,
pas plus que je ne pense que les parents cherchent une « solution facile ». Je pense
qu’il y a réellement plus d’enfants avec de vraies maladies mentales. Et parce que
les parents en détresse franchissent le seuil du cabinet du docteur en cherchant
désespérément une réponse, les médecins et autres cliniciens sont sous pression
pour soulager ces parents. Quelque chose dans l’environnement pourrait-il être mis
en cause ?
Le syndrome d’exposition aux écrans : un désordre contemporain non reconnu.
Si vous suivez mes autres posts, vous savez sans doute que je reproche à un grand
nombre de problèmes de santé mentale d’être l’effet d’une exposition aux médias à
écrans. Je crois fermement que la nature artificielle de la stimulation par les écrans –
indépendamment du contenu – a des effets néfastes sur notre santé mentale et
physique à plusieurs niveaux. Les effets liés aux écrans peuvent être présents dans
plusieurs contextes et formes. Bien que variés, un grand nombre de ces effets
peuvent être regroupés en symptômes relatifs à l’humeur, la cognition et le
comportement. La racine de ces symptômes semble être liée à un stress répété
agissant sur le système nerveux, provoquant un manque d’auto régulation et de
gestion efficace du stress. En raison de la nature variée et compliquée des effets des
écrans, j’ai découvert qu’il était utile de conceptualiser ce phénomène sous un même
syndrome que j’ai nommé Electronic Screen Syndrome (ESS) (syndrome
d’exposition aux écrans). Le syndrome d’ ESS peut apparaitre en l’absence de
maladie psychiatrique et l’imiter, ou bien il peut apparaitre avec un désordre sousjacent
et l’exacerber.
L’ESS est essentiellement un trouble de la régulation. Le trouble de la régulation (ou
dérégulation) peut être défini comme une incapacité à moduler son humeur, son
attention, ou le niveau de la vigilance d’une façon appropriée à son environnement.
Interagir avec les écrans déplace le système nerveux vers un mode « combattre ou
s’enfuir » qui mène à une dérégulation et une désorganisation des différents
systèmes biologiques. Parfois cette réponse de stress est immédiate et prononcée
(comme lorsqu’on joue à un jeu video d’action), et d’autres fois la réponse est plus
subtile et peut se produire seulement après un certain nombre de répétitions (comme
envoyer des SMS). Les mécanismes issus des écrans et qui provoquent une
réponse de stress sont variés et forment un sujet de recherche pour le futur. Quoi
qu’il en soit, en résumé, interagir avec des objets à écrans fait que l’enfant devient
sur stimulé et « surexcité ».
Le syndrome d’exposition aux écrans chez l’enfant.
Bien que la définition du syndrome et la nomination des critères nécessite des
améliorations, il existe pour l’heure des caractères généraux de l’ESS :
1. L’enfant manifeste des symptômes liés à l’humeur, l’anxiété, la cognition, le
comportement, ou les interactions sociales qui produisent des handicaps
significatifs à l’école, à la maison ou avec ses pairs. Les signes/symptômes
typiques imitent le stress chronique et incluent une humeur irritable,
dépressive ou labile, des crises de colère excessives, un comportement
désorganisé, des conduites d’opposition et de défi, un manque d’esprit sportif,
une immaturité sociale, un mauvais contact oculaire, des insomnies et un
sommeil qui n’est pas réparateur, des difficultés d’apprentissage, et une
mémoire à court terme limitée.
2. Le syndrome d’ESS peut se produire en l’absence ou la présence d’autres
troubles psychiatriques, neurologiques, comportementaux ou d’apprentissage
et peut imiter ou exacerber pratiquement n’importe quel trouble mental.
3. Les symptômes peuvent s’améliorer nettement ou bien se résoudre avec la
suppression stricte des médias à écrans (un « jeûne d’écran ») ; trois ou
quatre semaines de jeûne d’écrans sont souvent suffisantes mais des jeûnes
plus longs peuvent être nécessaires dans les cas sévères.
4. Les symptômes peuvent revenir avec la réintroduction des médias à écran à
la suite d’un jeûne, dépendant d’une variété de facteurs. Certains enfants
peuvent supporter une limitation après un jeûne, tandis que d’autres semblent
rechuter immédiatement en cas de ré exposition.
5. Il existe des facteurs de vulnérabilité qui incluent : être du genre masculin, la
pré existence de troubles psychiatriques, neurodéveloppementaux,
d’apprentissage ou de comportement, des facteurs co-existants de stress, et
un temps cumulé d’exposition aux écrans depuis la naissance. Sont
particulièrement exposés les garçons avec TDAH ou TSA.
Avons-nous réellement besoin d’un nouveau diagnostic ? Les avantages de la
reconnaissance et du traitement de l’ESS.
Je reconnais que cette « découverte » d’un nouveau diagnostic va se heurter
à un scepticisme et à des critiques, mais je prends ce risque dans le but de
sensibiliser à ce phénomène. J’ai observé dans ma pratique depuis plus d’une
décennie, les effets stressants des jeux videos et autres media sur écrans, et
depuis plus de dix ans j’ai prescrit des diètes d’écrans à plus de 500 enfants,
adolescents et jeunes adultes. Depuis les dernières années, j’ai étendu ce
programme à la population générale, si bien que ce ne sont pas seulement les
enfants avec des problèmes psychiatriques qui en bénéficient. Si l’ESS arrive
en addition à un trouble psychiatrique réel sous-jacent, la diète- si elle est faite
correctement- est efficace 80% du temps et réduit typiquement les symptômes
d’au moins la moitié. Dans la population générale, il y a souvent une résolution
complète des symptômes. Cela peut être vraiment assez spectaculaire.
Alors qu’est-ce que j’ai observé comme amélioration parmi les ESS qui m’ont
été adressés ? Un arrêt des conduites agressives. Une humeur plus gaie.
Davantage de normalité .Une amélioration des résultats scolaires. Et à ces
progrès, s’adjoignent bien sûr, des parents moins stressés.
Je vous conjure de garder un esprit ouvert. Alors que j’ai observé les effets
négatifs des jeux vidéos et autres pratiques des temps sur écrans depuis plus
de 15 ans, la recherche est à présent à même de fournir un solide étayage
pour mes preuves. Consultez le idisorder du docteur Larry Rose et le Ibrain du
DR Gary Small pour ce qui concerne la recherche actuelle, tout comme le
rapport de la commission AMA….
Et finalement, rappelez-vous que le prochain DSM-5 contiendra un nouveau
diagnostic infantile intitulé Dysrégulation émotionnelle et comportementale
sévère, un syndrome caractérisé par des crises de colère récurrentes et
graves, sans rapport avec le niveau de développement.
Coïncidence ? Je ne le pense pas.
Pour en savoir plus sur la sur stimulation et comment une diète électronique peut
radicalement améliorer la façon dont un enfant se sent et fonctionne reportez vous
à Reset Your Child’s Brain: A Four-Week Plan to End Meltdowns, Raise
Grades, and Boost Social Skills by Reversing the Effects of Electronic Screen-
Time ou visitez le site http://drdunckley.com/videogames.

[1] Moreno, et al. “National Trends in the Outpatient Diagnosis and Treatment of
Bipolar Disorder in Youth” Arch Gen Psychiatry. 2007;64(9):1032-
1039. http://archpsyc.jamanetwork.com/article.aspx?articleid=482424
[2] LeFever GB, Arcona AP, Antonuccio DO. “ADHD among American
schoolchildren: evidence of overdiagnosis and overuse of medication.” Sci Rev Ment
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[3] Visser SN, Lesesne CA, Perou R. “National estimates and factors associated with
medication treatment for childhood attention-deficit/hyperactivity
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[4] Mayes R, Bagwell C, Erkulwater J. “ADHD and the rise in stimulant use among
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psychotropic medications by children.” J Am Acad Child Adolesc
Psychiatry. 2002;41:514-521.
[6] Vitiello B, Zuvekas SH, Norquist GS. “National estimates
of antidepressant medication use among U.S. children, 1997-2002.” J Am Acad Child
Adolesc Psychiatry. 2006;45:271-279.
[7] Author’s note: Other symptoms that can be triggered by ESS include tics,
stuttering, panic attacks, OCD and even hallucinations and subtle seizure activity.