AGEEM Colmar : un expert minimise les dangers des écrans

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Témoignage d’une professionnelle de l’EN suite à la conférence de l’AGEEM: en colère! et CoSE aussi

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Lors du congrès de l’AGEEM 2025, sur place une directrice d’école maternelle dénonce une intervention choquante qui ridiculise el CoSE et banalise le danger des écrans. Son témoignage ci-dessous:

« Comment, en tant que professeure des écoles depuis 20 ans et directrice d’école maternelle depuis 9 ans, faire confiance à une association centenaire ou à son administration pour prendre en compte le grave préjudice de la surexposition aux écrans de nos élèves ?

Lors d’une conférence officielle au congrès de l’Association Générale des Enseignants des Écoles et classes Maternelles publiques (AGEEM) à Colmar, début juillet 2025, un membre du conseil scientifique de cette même AGEEM se moque — pour ne pas dire insulte — et dévalorise le travail du COSE (Collectif Surexposition Écrans), en projetant des documents du COSE, puis en ramassant un objet tombé à terre avec cette réflexion adressée au public : « C’est un coup du collectif », avant même de démarrer son intervention pour faire « rire » l’assemblée. En effet, ce monsieur met en avant, dès l’introduction, que toutes les personnes dans la salle ont tort de penser à une corrélation entre troubles du comportement et mésusage des écrans !

Le tout sur un ton autoritaire, voire sexiste (tel fut mon ressenti). Donc, par définition, ce monsieur apporte la Bonne Parole. Ressenti des professionnel(le)s de terrain qu’il conspue, puisqu’il juge le travail non sérieux, non scientifique du collectif, en disant que le COSE fait un raccourci entre les troubles apparus depuis 2012 et l’avènement des écrans rois. À son tour, il fait un parallèle avec le taux de divorce aux États-Unis et les troubles du comportement, le tout pour faire rire l’audience pour démontrer que l’association n’est pas toujours causalité. Et ça marche !

La soi-disant bonne parole est plus souvent liée à d’autres conflits d’intérêts.  Qui a étudié le feedback d’un millier d’élèves sur une application sur tablette ? Qui bénéficie de ces soi-disant super outils numériques qui rendent plus intelligents ? Le travail mené par la journaliste de France inter Marie Dupin montre que ces fameux experts ne sont pas toujours au-dessus de tout soupçon…

C’est pour cela que je témoigne : professeurs des écoles, il faut réagir, nos élèves ont besoin de ce sursaut, avec vos constats, votre expérience, votre travail de fond pour aider les familles, les futures générations : soyez vigilants !

De mon côté, sur le terrain, avec mes collègues, le constat est sans appel :

De plus en plus d’élèves porteurs de handicaps liés aux troubles de l’apprentissage (diagnostiqués, avec AESH) : en moyenne 2 à 3 par classe ;

De plus en plus de comportements inadaptés dès 3 ans : mimétisme de gestes violents de mise à mort avec des objets de la cuisine, par exemple un couteau qui tue comme la poupée  « Chucky » ou autre film d’horreur… ou encore directement à mains nues autour de la gorge. Au moins 3 à 4 événements de ce type par année scolaire depuis trois ans ;

Des parents, des enseignants, des services d’aide à l’éducation de la municipalité à la recherche de solutions quand un enfant n’entre pas dans le langage dès la toute petite section (2 ans) ;

Des enfants avec une motricité limitée, « battant des ailes », tanguant sur eux-mêmes ;

Des enfants attirés immédiatement dès qu’un écran s’allume à proximité d’eux ;

Des enfants avec des troubles du sommeil et des manques de sommeil : coucher vers 22 h, bâillant en classe dès 9 h, s’endormant l’après-midi jusqu’en Grande Section. Donc des enfants indisponibles pour les apprentissages ;

Des parents qui, une fois alertés et questionnés, disent que les écrans sont présents mais « loin » dans la pièce, « il ne regarde pas »… et un temps d’écrans que nous estimons, dès la Toute petite section, à minimum 1 heure par jour. On se bat pour supprimer les écrans le matin avant l’école, école qui démarre pourtant à 8h15-8h25 ;

Des enfants dont les parents sont sur leur téléphone en les amenant et en les récupérant, donc non disponibles pour les accueillir, et même en sortie (non obligatoire) : les parents ne participent plus aux ateliers avec leurs enfants, ils sont sur leurs téléphones et les enfants en atelier avec la maîtresse — même à la plage : plus de surveillance !!

Alors faisons preuve de bon sens et de sens critique. Car sur le terrain, nous sommes bien démuni(e)s et seul(e)s face à cette pandémie. Si, en plus, on nous assène que notre ressenti « n’est pas corroboré par des preuves scientifiques »… alors qu’elles existent. Le travail du COSE (témoignages et bibliographie), ainsi que les publications scientifiques, vont dans le sens de nos constats quotidiens.

En tant que directrice, se pose aussi souvent la question du signalement par rapport à une inquiétude, un manque… Les équipes pédagogiques alertent systématiquement les parents lors de la réunion de rentrée, des rendez-vous parents, sur les temps d’écrans, mais il est difficile de les quantifier réellement, surtout les écrans passifs, ceux des frères et sœurs…

Alors pour nous, un premier pas qui ne coûte rien, ne consomme rien : celui du sevrage d’écrans. »

Aude Zeboudj
Directrice d’école maternelle (NORD)