Temps d’écrans, langage et compétences scolaires : une étude longitudinale confirme les effets négatifs

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L’article est disponible en ligne ici mais CoSE en a extrait les principales données pour vous

Gath M, Horwood LJ, Gillon G, McNeill B, Woodward LJ. Dev Psychol. 2025 Jan 9. doi: 10.1037/dev0001907. Epub ahead of print. PMID: 39786801.

L’étude « Longitudinal Associations Between Screen Time and Children’s Language, Early Educational Skills, and Peer Social Functioning » utilise des données longitudinales provenant de l’étude « Growing Up in New Zealand » (GUINZ).
L’échantillon comprend 6 281 enfants suivis à différents âges (2 ans, 4,5 ans, et 8 ans) pour examiner les associations entre le temps d’écran et divers résultats de développement.

Les facteurs de confusion :

  1. Sexe de l’enfant
  2. Ethnicité de l’enfant (NZ Européen, NZ Ma¯ori, Îles du Pacifique, Asiatique, Moyen-Orient, Latino-Américain ou Africain, ou Autre)
  3. Âge de la mère
  4. Niveau d’éducation de la mère (aucune qualification secondaire, qualification secondaire, diplôme/certificat de métier, licence, ou diplôme supérieur)
  5. Degré de « désavantage  socio-économique » (mesuré par l’Index de Déprivation de la Nouvelle-Zélande*)
  6. Fréquentation des services de garde d’enfants (mesurée à l’âge de 2 ans)

Ces facteurs ont été pris en compte pour déterminer l’effet indépendant de l’exposition aux écrans sur les résultats de développement des enfants.

Les principaux scores de développement étudiés

  1. Langage :
    • Vocabulaire (à 4,5 ans) : Mesuré par la version abrégée du Peabody Picture Vocabulary Test.
    • Compétences en communication (à 4,5 ans) : Évaluées à l’aide de l’échelle Parent Rating of Oral Language and Literacy.
  2. Compétences éducatives :
    • Écriture (à 4,5 ans) : Évaluée par des tâches d’écriture de nom et de chiffres, notées sur une échelle de 0 à 4.
    • Numératie (à 4,5 ans) : Évaluée par des tâches de comptage, notées selon le nombre de réponses correctes dans la séquence la plus longue.
    • Fluence des lettres (à 4,5 ans) : Mesurée par le sous-test Letter Naming Fluency de l’échelle Dynamic Indicators of Basic Early Literacy Skills.
  3. Fonctionnement social :
    • Problèmes avec les pairs et comportement prosocial (à 4,5 et 8 ans) : Évalués par les sous-échelles des problèmes de relations avec les pairs et du comportement prosocial du Strengths and Difficulties Questionnaire.

Ces scores ont été standardisés pour faciliter l’analyse et l’interprétation des résultats.

Principaux Résultats :

Effets à Long Terme : Plus de 1,5 heure de temps d’écran quotidien à 2 ans est lié à des capacités linguistiques et éducatives inférieures à la moyenne et à des problèmes de relations avec les pairs au-dessus de la moyenne à 4,5 ans. ​ Plus de 2,5 heures de temps d’écran quotidien à 4,5 ans est associé à des problèmes de relations avec les pairs au-dessus de la moyenne à 8 ans. ​

Temps d’Écran et Développement : Un temps d’écran élevé est associé à des niveaux inférieurs de vocabulaire, de communication, d’écriture, de numératie et de fluidité des lettres, ainsi qu’à des problèmes de relations avec les pairs. ​

Discussion

Comme souvent la question de la causalité est posée car ce travail notamment n’est pas randomisé comme le voudrait une étude expérimentale seule capable d’explorer un facteur de causalité

La randomisation dans ce type d’étude présente plusieurs défis :

  1. Éthique :
    • Consentement Parental : Les parents peuvent être réticents à modifier les habitudes de temps d’écran de leurs enfants pour les besoins de l’étude.
    • Bien-être des Enfants : Restreindre ou augmenter artificiellement le temps d’écran peut être considéré comme non éthique si cela nuit potentiellement au développement des enfants.
  2. Pratiques Familiales :
    • Variabilité des Contextes Familiaux : Les routines et environnements familiaux diffèrent, rendant difficile l’imposition de conditions strictes.
    • Adhésion aux Protocoles : Les familles peuvent avoir du mal à suivre strictement les protocoles de l’étude, entraînant des biais.
  3. Logistique :
    • Suivi à Long Terme : Les études longitudinales nécessitent un suivi sur plusieurs années, compliquant la gestion de groupes randomisés. ​
    • Ressources : La mise en place d’une étude randomisée contrôlée demande des ressources considérables.

Alternatives à la Randomisation :

En raison de ces défis, les chercheurs optent souvent pour des études observationnelles longitudinales. ​ Bien que ces études ne puissent pas établir de causalité, elles permettent d’observer des associations sur de grandes populations et sur de longues périodes.

Association Dose-Dépendante :

L’existence d’une association dose-dépendante entre le temps d’écran et les résultats de développement renforce l’hypothèse d’un lien causal. ​ En effet, les résultats montrent que plus le temps d’écran est élevé, plus les effets négatifs sur le développement linguistique, éducatif et social des enfants sont importants. ​ Cette relation dose-réponse est un indicateur clé en faveur d’une relation causale, car elle suggère que l’augmentation de l’exposition (temps d’écran) est directement liée à l’aggravation des effets observés. ​

Conclusion :

La randomisation dans les études sur le temps d’écran et le développement des enfants est difficile à réaliser. Les études observationnelles longitudinales, comme celle-ci, restent essentielles pour explorer les associations entre le temps d’écran et le développement des enfants. ​ L’existence d’une association dose-dépendante renforce l’hypothèse d’un lien causal, d’autant que de nombreux facteurs de confusion ont été écartés dans ce travail

Cet article met en lumière l’impact négatif du temps d’écran élevé sur le développement des jeunes enfants. Les résultats montrent que réduire le temps d’écran à moins de 1,5 heure par jour à 2 ans et à moins de 2,5 heures par jour à 4,5 ans peut améliorer significativement les compétences linguistiques, éducatives et sociales des enfants. Les parents, éducateurs et décideurs sont encouragés à suivre les recommandations de limiter le temps d’écran pour favoriser un développement optimal des enfants. Adopter des pratiques de gestion du temps d’écran dès le plus jeune âge peut avoir des effets positifs durables sur le bien-être et la réussite scolaire des enfants.