Surexposition aux écrans : la Seine-et-Marne en pointe pour protéger les plus jeunes

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Le conseil départemental de Seine-et-Marne dévoile un film qu’il a produit pour sensibiliser familles, enseignants et professionnels de santé aux dangers pour les 0-6 ans et les 6-18 ans. Il a vocation à circuler dans toute la France. Pour aider les parents, la collectivité propose des consultations gratuites par des puéricultrices de PMI devenues « expertes Santé numérique et infantile ».

Trop d’écrans, nos vies en suspens : 0-6 ans

Trop d’écrans, nos vies en suspens : 6-18 ans

Comment alerter et réagir face aux dangers liés à l’usage excessif des écrans pour la jeunesse ? Alors qu’un rapport d’experts rendu le 30 avril propose diverses orientations, le conseil départemental de Seine-et-Marne prend le problème à bras-le-corps. Ce jeudi, il a dévoilé « Trop d’écrans, nos vies en suspens », le film qu’il a produit en partenariat avec le Collectif surexposition écrans (CoSE) et l’Éducation nationale via l’académie de Créteil (Val-de-Marne).

Un documentaire en deux volets, l’un consacré aux 0-6 ans, l’autre aux 6-18 ans. La direction des services de l’Éducation nationale en Seine-et-Marne compte le diffuser auprès des familles et enseignants des 1er et 2nd degrés pour « remettre l’humain au cœur du système ».

En trente-six minutes de film, tout est dit. Un contexte implacable d’abord : dix écrans par foyer avec enfants en 2023 contre un seul il y a vingt ans, l’âge moyen de l’enfant lors de l’achat d’un premier smartphone est 8 ans et demi, etc. Pas simple de s’en passer ! Une maman pourtant vigilante évoque pour ses enfants une « dérive lors de la découverte de TikTok, appli addictive ». Une grand-mère décrit « l’emprise » des écrans et ses petits-enfants « qui ne vivent que pour cela, coupés du monde ».

Cofondatrice de CoSE, le Dr Anne-Lise Ducanda, médecin de protection maternelle et infantile (PMI), liste les dangers pour les petits. « Privé de ses besoins essentiels, l’enfant connaît des retards de développement, de langage. Aucun écran n’est éducatif pour les plus jeunes », martèle-t-elle. Rien ne remplacera jamais l’interaction entre l’enfant et ses parents avec des mots, des regards, des émotions partagées, le toucher, etc. Une enseignante de maternelle en Seine-et-Marne témoigne des dégâts : « Certains ont déjà deux ou trois ans de retard ».

«Nous accompagnons les parents dans le sevrage de leur enfant»

Pour les plus de six ans et les ados, le film pointe les difficultés de concentration et le décrochage scolaire, mais aussi les défis sordides sur TikTok (jeu du foulard, etc.), les effets des algorithmes de certaines applis qui déversent des images pornographiques ou ultraviolentes dès lors que le jeune a consulté une fois ce type de contenu, ainsi que le problème de la « dysmorphie Snapchat » ― conduisant des jeunes filles à ne plus supporter leur image non filtrée et les plongeant dans un mal-être immense.

Face à ces effets pervers, le conseil départemental de la Seine-et-Marne est partageur. Son film a vocation à circuler, via l’association des maires et celle des départements de France, pour sensibiliser familles, enseignants, professionnels de la petite enfance, etc. Il sera transmis aux ministres de la Santé et de l’Éducation nationale, voire à l’Assemblée nationale. « C’est un problème de santé publique. Si chacun peut apporter sa pierre à l’édifice… », espère Jean-François Parigi (LR), le président du département, qui aide concrètement les parents.

Dans ses quinze maisons départementales des solidarités (MDS), il est désormais possible de consulter gratuitement une puéricultrice de PMI devenue « experte Santé numérique et infantile », après avoir été formée par le Dr Ducanda. Une première en France ! « Nous mesurons le temps d’écran de l’enfant chaque jour, l’impact sur son développement et nous accompagnons les parents dans le sevrage d’écran pour que l’enfant récupère », explique Mélanie Vaudry, infirmière puéricultrice de PMI.

« Il y a une prise de conscience certaine, des attitudes changent »

« C’est le département le plus actif dans cette dynamique ! Si le message passe, cela va entrer dans les mœurs, comme celui des cinq fruits et légumes par jour ! », espère le Dr Ducanda qui a déjà animé une vingtaine de conférences* en Seine-et-Marne depuis 2023. « C’est dans la continuité des actions que nous menons contre le harcèlement scolaire dans les collèges », justifie Jean-François Parigi. « La surexposition aux écrans touche aussi les jeunes placés à l’Aide sociale à l’enfance et intéresse aussi la Protection maternelle et infantile, deux services du département », ajoute l’élu.

L’initiative du film revient à Vincent Paul-Petit (LR), élu départemental et maire de Seine-Port qui, inquiet, a pris le 1er mars 2024 un arrêté qui limite l’usage du smartphone dans l’espace public de son village de 2000 âmes. « Face aux nombreuses demandes au Dr Ducanda, je me suis dit qu’il fallait faire un film ! », assure celui qui décrit sa commune comme « un laboratoire ».

Lors d’un référendum le 3 février, 54 % des votants se sont prononcés pour la « charte communale pour le bon usage des écrans » qui tend à le limiter près des écoles, dans les commerces, les lieux de rassemblements… Aucune sanction n’est légalement possible.

Mais trois mois après, « il y a une prise de conscience certaine, des attitudes changent. Les gens se reprennent gentiment. Mais je ne dis pas que c’est gagné ! », estime l’élu. Le 22 juin, il offrira huit téléphones simples à des jeunes qui vont entrer en 6e, leurs parents s’engageant à ne pas leur acheter de smartphone d’ici le lycée. Il proposera un plateau sportif cet été. Une alternative aux écrans.