Témoignages : Comment vit-on le confinement dans notre monde connecté ?

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C’est la question qu’ont posée les membres de Cose soit au cours d’échanges avec des familles soit en téléconsultation. On a assisté bien sûr à une forte augmentation du temps d’écrans, repérés par tous les media. Effets négatifs bien sûr, mais aussi effets positifs des écrans vécus et utilisés comme des ressources. CoSe a recensé ces témoignages et vous en présente une synthèse.

Trois périodes du confinement peuvent être différenciées : les 2 premières semaines, pendant lesquelles celui-ci pouvait sembler d’une courte durée, une 2ème période avec l’annonce de 4 semaines supplémentaires, puis la période de « déconfinement annoncé « .

La première période a pu apparaitre comme une parenthèse, un peu comme un congé inattendu :

Le stress est pour les parents de se retrouver à organiser tout le temps de vie de leurs enfants, sans pouvoir déléguer le temps scolaire, le temps des activités, les temps de soins…Tout à la maison ! La situation des familles monoparentales, où l’ensemble de la charge revient à une seule personne, 24h/24, est bien sûr beaucoup plus difficile.

Pour ces familles monoparentales, lorsque la mère est l’unique parent confiné avec le ou les enfants, c’est très dur car tous sont en vase clos ; il faut gérer le temps, mais aussi les colères et les troubles du sommeil, fréquents, apparus pendant le confinement.

La situation est plus ou moins aisée selon les conditions d’hébergement bien sûr ; ceux qui ont un jardin, avec la possibilité pour les enfants de se dépenser physiquement, d’organiser des jeux d’extérieur, n’ont pas le même vécu que les familles en appartement, habitant des zones peuplées ; dans ces communes défavorisées avec appartements surpeuplés, le confinement total est difficile à appliquer, les habitants sortent dans les rues et les espaces publics. Il est alors stressant pour les familles d’envisager de sortir un peu avec les enfants, par crainte de contamination.

Très différente aussi est la situation de parents en télétravail (quelques-uns craquent) alors que d’autres sont totalement disponibles pour écouter, organiser.

Les écrans : Les parents ont beaucoup consommé d’émissions de TV, informations parfois en continu ; ils ont beaucoup échangé par téléphone, par les réseaux sociaux : bref, une explosion de consommation pour les adultes…Mais cela est vrai pour tous les âges : on a assisté à une explosion du temps de consommation d’écrans : des bébés un peu plus sur You Tube, des ado très connectés, des parents branchés sur la TV et les différents sources d’information…Comment faire?

L’organisation des rythmes a paru la question centrale : parfois aucune règle, coucher pour les enfants vers 23h-minuit, même des tout-petits, permettant aux parents le lendemain matin de récupérer, seuls, les enfants dormant encore, repas sans rythme…

A une mère qui va réveiller son enfant le matin, celui-ci demande : « c’est encore dimanche aujourd’hui ? ». La question est donc celle des rythmes, d’une confusion dans le temps, d’un mélange qui risque d’être régressif.

La deuxième période est plutôt celle des réorganisations :

L’intérêt des écrans est manifeste : devoirs transmis par les enseignants, appui sur des sites internet pour proposer des activités aux enfants, pour reprendre contact avec l’école. Une petite fille qui refusait de travailler avec sa mère a pu le faire quand elle a vu sa maitresse par smartphone, qui lui parlait et lui expliquait ce qui se passait.

De même que les tutos sur YouTube pour faire du sport ont aidé toute la famille à faire ensemble un peu de gymnastique à la maison ; les tutos pour faire ensemble la cuisine…Certains sites ont paru utiles aux parents : les nombreux guides publisé par l’hôpital Robert Debré (en cliquant ici), le quiz environnement, le site du musée d’architecture du moyen âge… Mais dans les sites, les parents regrettent que les grands absents soient souvent les parents…

En négatif avec les écrans :

Des troubles du sommeil sont apparus chez les parents et les enfants, avec cauchemars, avec une anxiété de fond et une inquiétude pour l’avenir.

Les journaux TV d’information ont souvent été délaissés dans un 2ème temps, cela étant source de stress. Certains sites aussi se sont révélés stressants (le site des CMPP, d’un secteur de pédopsychiatrie), en raison de la somme de choses à faire suggérées par certains, comme si dans le confinement, il fallait encore être performant. Cela a été vécu comme oppressant aussi avec les réseaux sociaux, comme s’il y avait obligation de performance, et de faire tout ce qu’on n’a pas le temps de faire d’habitude… comme s’il fallait maintenir l’intoxication par la performance. La difficulté est ainsi de maintenir une séparation entre intérieur et extérieur ; les réseaux sociaux sont envahissants, sans respect du temps et de l’espace privé, sans possibilité de choix.

La nécessité d’organiser le temps de ses enfants oblige à une plus grande proximité, que certains parents avaient soit oubliée, soit déniée en demandant à chacun beaucoup trop d’autonomie. La nécessité de passer beaucoup de temps dans les mêmes lieux rapprochent affectivement des individus qui avaient oublié cette possibilité.

Les ados et pré ados :

Les parents avec des adolescents sont en difficulté par rapport à l’hyper-imprégnation par les écrans dus aux cours en ligne d’une part, d’autre part à un accès permanent à des jeux, aux réseaux sociaux, à YouTube, extrêmement distracteurs et sources de saturation psychique, de tensions et de conflits familiaux. On voit massivement l’augmentation de la consommation, et l’aggravation des dérives antérieures :

  • D’une part le temps global d’écrans est passé pour certains de 4h/j à plus de 7h/j , voire beaucoup plus pour certains ados qui en ont perdu le sommeil. Des ados sont anxieux avec des troubles psychosomatiques : du mal à respirer, des douleurs dans la poitrine … Les autres activités sont présentées comme source d’ennui, rien ne serait possible en dehors de cette consommation numérique, ils vont jusqu’à supplier les parents, ou faire de grosses crises si les parents tentent de limiter le temps. Leur capacité d’être seul, pourtant fondamentale pour se construire de nouveaux intérêts, est bien entamée.
  • D’autre part, les mauvaises habitudes sont aggravées : si Fortnite avait été installé en dehors des consignes d’âge, la consommation a bondi. Il peut être intéressant de regarder avec eux la video de Thomas Versaveau (lien ici ), qui leur montre l’addiction installée volontairement dans ce jeu.

Enfin, les ados réussissent souvent à bloquer les contrôles parentaux, et les parents doivent rester vigilants sur l’interdiction des écrans dans leur chambre, en particulier la nuit. La mesure du temps passé sur son téléphone est également intéressante, pour objectiver le temps, et commencer à réinstaller une forme d’auto-contrôle sur sa consommation.

Le retour au collège et lycée reporté à septembre est une grosse inquiétude pour les parents: comment faire encore plusieurs mois avec ce problème de surconsommation?

Réorganisation positive hors écrans :

Certains enfants ont exprimé finalement peu d’intérêt pour sortir, puisque les parcs, les commerces sont fermés ; la maison a servi de refuge. La réorganisation des familles s’est construite avec beaucoup de créativité ; par exemple avec l’idée du calendrier que l’on crée: c’est un calendrier qui n’est plus imposé par le social, mais un calendrier que l’on se donne.

Inventivité : le temps de piscine est inscrit par des enfants un jour sur le calendrier ( alors qu’ils savent très bien que c’est impossible), cela leur permet de préparer leur sac, d’enfiler maillot de bains et lunettes, et de jouer à nager… L’emploi du temps est intégrée par des enfants sour forme de jeu: certains ne viennent à la table du déjeuner que si leur mère leur dit: « c’est l’heure de la cantine!!! » Des parents installent une table de ping pong sur leur table de salle à manger et fabriquent un filet avec un filet de pommes de terre : ils créent alors des « temps » de ping pong.

Décélération : C’est du temps retrouvé : les activités ne sont plus interrompues par l’accélération imposée aux enfants:  « dépêches-toi », « je n’ai pas le temps », « on va être en retard »… On assiste à un retour de rythmes plus doux, plus adaptés, plus humains. Les parents redécouvrent leurs enfants, ceux-ci développent davantage leurs relations fraternelles, leur complicité, «  c’est du bonheur » dit une mère de famille. Les enfants font davantage appel à leur capacité d’être seul, avec des jeux prolongés.

Certaines familles, après un temps de sidération et d’adaptation, prennent le coté positif du confinement et ils sont plutôt contents. Ils se recentrent et ont plus de temps pour faire des choses ensemble, à un rythme différent et souvent plus tranquilles. 

Une mère explique que le confinement n’empêche pas le sevrage des écrans, c’est même plus facile car elle dispose de temps et organise l’environnement de son fils comme elle l’entend, choisit les jeux, les activités. il n’y a pas d’éléments extérieurs pour contrecarrer le sevrage d’écran ( familles, amis, …).   

La troisième période : la perspective du déconfinement :

C’est une source d’appréhension : peur du retour vers un extérieur menaçant, la nécessité de quitter un intérieur réinvesti…

Mais bien sûr, la question de la désintoxication de ceux qui se sont surexposés aux écrans, en partie de façon obligée par les devoirs en ligne et le télétravail, se posera…

à suivre…