Distribution de tablettes par les écoles : savoir tirer les enseignements d’une expérience malheureuse

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Depuis 2013, la loi dite « loi pour la refondation de l’école » impose aux collectivités de financer les équipements numériques des établissements scolaires et d’en assurer la maintenance (1). A l’heure où l’Education nationale distribue tablettes et ordinateurs aux élèves à partir de la GS de maternelle (2) sans apparemment anticiper les conséquences désastreuses sur la santé des enfants (retard de développement, surexposition aux écrans, addictions aux jeux vidéo…), il est essentiel de tirer les conséquences de l’opération  « CarTab’ » qui a eu lieu de 2013 à 2017 (3).

Il y a 7 ans, dans un collège de la région Centre Val de Loire, tous les élèves et les enseignants ont reçu une tablette de la marque Ipad (550 euros) dans le cadre d’une opération nommée : « CarTab’ » pour lutter officiellement contre la fracture numérique (coût de la facture finale : 600 000 euros soit 1555 euros par élève).

Une enseignante en poste à cette époque là, a bien voulu partager son expérience avec le CoSe:

« Les élèves étaient très contents de recevoir une tablette. Cet outil informatique était censé alléger le cartable, réduire la fracture numérique entre les familles et apporter une plus-value pédagogique.

Les manuels numériques remplaçant les livres scolaires, beaucoup d’enseignants se sont débarrassés des manuels, d’autres ont eu la prudence de les garder au cas où…

Les tablettes étaient soit-disant sécurisées mais très vite les élèves ont réussi à les débrider et à s’en servir pour jouer aux jeux vidéo ou aller sur des sites internet bien éloignés du projet pédagogique initial…

Beaucoup de parents ont commencé à  se plaindre :

« C’est une catastrophe, à 1 heure du matin ils sont encore sur des jeux, on n’arrive pas à les faire décrocher… ».

Rapidement aussi, les tablettes ont été cassées ou perdues sans possibilité d’en racheter une nouvelle. Il y avait beaucoup de problèmes de connexion et le contenu pédagogique des manuels imposés par l’outil numérique bien souvent, ne convenait pas aux enseignants.

La plus-value pédagogique était nulle et même négative. Ce fut un coup de pub énorme sans que les conséquences sur l’enseignement et la santé des élèves ne soient anticipées.

Au bout de 3 ans, les tablettes ont été retirées du collège et il a fallu racheter des livres… Les enseignants qui avaient eu la prudence de garder les anciens manuels scolaires s’en sont félicités ! ».

Comment l’Education Nationale en partenariat avec le ministère de la ville (3) peut-elle distribuer des tablettes et des ordinateurs aux enfants à partir de 5 ans sans penser aux conséquences désastreuses que ces « cadeaux empoisonnés » auront inévitablement sur le développement des enfants ? De plus, l’Education Nationale apporte une caution inacceptable à l’utilisation de ces objets numériques. Les familles ne peuvent pas penser qu’il y a un danger à ce que leur enfant utilise un écran dès 5 ans puisqu’il est donné par l’école!

L’aberration provient aussi du fait qu’aucun message de prévention n’est donné lors de la remise des outils informatiques : limitation du temps d’exposition en fonction de l’âge de l’enfant, moments pour l’utiliser (pas le matin, pas pendant les repas, pas dans la chambre, pas avant de se coucher : « 4 pas » de Sabine Duflo), information sur les dangers d’internet et sur les contenus inappropriés, normes PEGI pour les jeux vidéo, aide à l’installation de contrôle parental…).

Cette distribution généralisée de matériel informatique aux enfants de plus en plus jeunes aura inévitablement un coût  considérable sur le plan de la santé psychique et physique des enfants concernés. Il est malheureusement probable que la plus-value pédagogique ne soit pas au rendez-vous des espérances affichées…

(1) Loi pour la refondation de l’école. 8 juillet 2013. « C’est par l’école qu’il est possible de lutter à la racine contre les déterminismes et les assignations, c’est par l’école qu’on élève le niveau général et qu’on oeuvre à la justice sociale. Les cités éducatives, dont le coeur est le collège du quartier, vont permettre de fédérer tous les acteurs et d’offrir aux enfants une éducation de qualité sur le temps scolaire, périscolaire et extrascolaire ». JEAN-MICHEL BLANQUER  (Ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse)

(2) L’inspecteur d’Académie remet les ordinateurs « Cité Educative » à  des élèves de CP et CM1 de l’école Gaston Galloux  

(3) https://www.lagazettedescommunes.com/470760/la-tablette-individuelle-trop-chere-recalee-apres-quatre-ans-dessai/

(4) « Cité éducative » : dispositif d’accompagnement par l’État, qui vise à « fédérer tous les acteurs des quartiers prioritaires de la politique de la ville afin d’en faire des lieux de réussite républicaine ». Les cités éducatives associent les élus locaux, les services de l’Etat et les associations locales. L’objectif de ces dispositifs est la lutte contre décrochage scolaire grâce à la mise en place des projets éducatifs s’adressant à tous les niveaux de classe, de la maternelle à la terminale.100 millions d’euros seront ainsi engagés sur les trois prochaines années. Et ce dès cette rentrée 2019, selon le communiqué du ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse.