Les temps d’écran en France régulièrement annoncés par les journaux grand public proviennent de sources plutôt discutables : la dernière étude de l’Insee date de 2010, tous les chiffres récents sont donnés par des sociétés privées liées au numérique type « Flurry analytics » (filiale de Yahoo) pour les donnés Internet ou « eMarker » pour les données sur la télévision. Il n’est pas possible de connaitre la taille de l’échantillon ou la représentativité des données (parcellaires le plus souvent) qui sont avancées…Quant à celle publiée récemment dans les archives de pédiatrie (Children and screens: A survey by French pediatricians; Arch Pediatr. 2018 Feb;25(2):84-88.), seuls 10% des pédiatres interrogés ont répondu au questionnaire induisant un biais de selection important.
Pendant ce temps là de l’autre côté de l’Atlantique..
Aux Etats Unis, un organisme indépendant, » Common Sense Media », publie de façon régulière une étude sur la place des médias chez l’enfant (de zéro à 8 ans). La dernière étude vient d’être publiée sur leur site internet (après 2011 et 2013) sur un échantillon représentatif de la population de 1400 familles sur l’ensemble du territoire national en prenant en compte notamment le niveau socio-économique, l’origine ethnique et le niveau d’étude des parents. Le texte complet est disponible içi pour les anglophones (Common sense media census 2017). Si vous avez cette chance n’hésitez pas à vous y plonger car les évolutions notées dans ce travail préfigurent de celles que nous allons voir émerger chez nous rapidement…
Dix éléments particulièrement notables ont été ainsi relevés dans cette étude :
Les outils media portables ou mobiles sont devenus quasiment universels dans l’univers des enfants dans toutes les couches de la société (voir figure 1).
Si le temps d’écran total a peu changé ces dernières années, c’est comment les enfants utilisent ces écrans qui a changé.
Contrairement aux recommandations des pédiatres (américains) beaucoup d’enfants sont devant des écrans juste avant le coucher, et beaucoup de familles laissent la télévision allumée en arrière-plan en permanence.
Les temps d’écran varient beaucoup selon le niveau socio-économique et le niveau d’éducation des parents. Figure 2
Les enfants de familles à faible revenu passent en moyenne 1 heure 39 de plus devant les écrans chaque jour que ceux dont le revenu est plus élevé (3:29 vs. 1:50). Les enfants de foyers de niveau d’éducation bas consomment plus de médias que les enfants des foyers où les parents sont plus éduqués (2:50 contre 1:37 ; une différence de 1:13).
En opposition avec ces grandes différences selon le revenu du ménage et l’éducation des parents, il n’y a pas de différences statistiquement significative dans le temps total de l’écran par sexe ou race ou ethnie. La différence dans l’utilisation des médias entre les ménages à faible revenu et les ménages à revenu élevé et entre ceux qui ont un niveau d’instruction inférieur et ceux qui ont un niveau d’instruction supérieur est constant tout au long des trois vagues d’enquête (2011, 2013 et 2017), mais l’écart est encore plus grand en 2017 qu’au cours des années précédentes.
La raison pour laquelle l’écart s’est élargi est qu’en 2017, l’utilisation de la télévision par les enfants à faible revenu a augmenté (de la même façon que l’utilisation des médias mobiles), mais l’utilisation de la télévision par les enfants à revenu plus élevé a diminué. Chaque jour, plus d’enfants à faible revenu regardent la télévision maintenant qu’il y a quatre ans (58 pour cent contre 42 pour cent), et ceux qui regardent la télévision y consacrent plus de temps (2:23 contre 2:02).
5 De façon générale les parents d’origine latino-américaines sont les plus inquiets à propos de l’usage des écrans, et les afro-américains sont plus enclins à dire que leur enfants tirent bénéfice des écrans.
6 Il existe toujours une disparité d’accès au numérique selon les couches sociales mais cette fracture sociale tend à diminuer.
Aujourd’hui il existe une différence d’accès à Internet entre les familles à faible revenu et les familles à haut revenu : plus 25% d’accès à un ordinateur familial et en cas d’accès 22% d’accès supplémentaire au haut débit dans les familles à haut revenu. Cette différence diminue en comparaison de 2011 où les différences étaient respectivement de 43 et 50%. De même les enfants à faible revenu ont moins de tablette à la maison (de 24%).
Soixante et un pour cent des familles à faible revenu ont maintenant une tablette , comparativement à seulement 2 % en 2011 (et à 85 % des familles à revenu élevé aujourd’hui).
Toutefois, l’écart de propriété globale d’appareil mobile a pratiquement disparu
(3 points de pourcentage), en raison du nombre des familles à faible revenu qui ont maintenant un smartphone. En 2011, 34 % des familles à faible revenu avaient un appareil mobile à la maison aujourd’hui 96 pour cent en ont. Ce que nous appelions auparavant « l’écart numérique » s’est rétréci de manière substantielle aussi bien. Aujourd’hui, les deux tiers des parents à faible revenu (67 pour cent – pas de différence significative par rapport au revenu plus élevé. parents) ont téléchargé des applications pour que leur enfant puisse les utiliser contre seulement 14 % en 2011.
7 Le temps passé à la lecture chaque jour (autour de 30 minutes) est stable mais beaucoup d’enfants de moins de deux ans ne profitent régulièrement d’histoires lues par un parent (voir figure 3)
8 Les parents restent inquiets de la violence, du contenu sexuel et des publicités rencontrés dans les medias mais ils sont confiants dans la capacité des medias à apprendre et entretenir la créativité
9 Les recommandations des pédiatres (américains) ne sont connues que de un parent sur cinq. Elles sont surtout connues dans la population blanche, riche et éduquée.
10 Différentes technologies de pointe (réalité virtuelle, assistants activés par la voix, jouets connectés) commencent à faire leur apparition dans les familles.
C’est un document de travail majeur pour la compréhension de la place des écrans dans le monde des enfants. CoSE ne manquera pas de vous donner des détails dans de prochains articles.
C’est une demande du collectif CoSE d’obtenir des autorités des données
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